vendredi 1 avril 2011

bifrost - T55 "spécial Roger Zelazny"


Bifrost est sans doute la seule revue de SF à laquelle je me fus abonné à une époque (1) avant d'abandonner pour de bon l'exercice de ce genre de lecture. Chaque numéro est composé de nouvelles et de critiques ou d'articles plus généraux.

Je n'avais pas poursuivi sans doute déçu par les limites ou paradoxes que représentent une revue littéraire en tant que média :
- présence trop récurrente de certains auteurs pour les nouvelles alors que l'intérêt de suivre une revue sur le long terme est de découvrir un échantillonnage d'auteurs le plus large possible. Paradoxe car d'un autre côté pour fidéliser les lecteurs, certaines "valeurs sûres" doivent revenir fréquemment.
- quelques partis-pris ou critiques avec lesquelles on n'est pas forcément d'accord (quand leurs auteurs sont des piliers de la revue, mieux vaut aller voir ailleurs).

Cependant, à la suite de la découverte d'un numéro consacré à mon auteur favori, mon sang de zelaznien ne fit qu'un tour et m'obligea à rompre pour une fois cette résolution.

Si Lune d'encre semble poursuivre une politique courageuse d'édition de Roger Zelazny (avec notamment- Dilvish le damné) les ouvrages relatifs à l'auteur sont assez rares (même s'il reste encore à faire), alors ne boudons pas notre plaisir.


Première constatation : "Permafrost", la nouvelle de Zelazny, sans être mauvaise, est d'un intérêt somme toute relatif et d'autres textes peu connus auraient sans doute été plus judicieux (2). Cette histoire met toutefois en jeu certains thèmes de l'auteur.

Passons au cœur de la chose: le dossier consacré à Zelazny est constitué de deux entretiens de l'auteur et de textes, chacun étant consacrés à une œuvre ou série en particulier . Présentées en ordre chronologique de parution originale (si j'ai bien compris), les œuvres sont analysées par les différents critiques de la revue, ce qui apporte une certaine hétérogénéité. On est effectivement bien loin de l'étude transversale des thèmes de l'auteur, lequel aurait apporté un éclairage dont on était en droit d'attendre dans un dossier spécial, mais le format "revue" constitue peut-être un frein à cet exercice.

De cette série d'articles se dégage toutefois l'impression d'un exercice de style réalisé à contre-cœur, comme s'il fallait reconnaître l'intérêt pour le travail de Roger Zelazny malgré soi... (3)

Ainsi, l'idée développée (p128) est celle d'un auteur aux œuvres ambitieuses en début de parcours, plus légères, "commerciales", au milieu et décevantes sur la fin.

Voyons cela dans le détail :

  • Discours d'ouverture de la conférence annuelle de  Fantasy et de SF d'Eaton de l'Université de Californie à Riverside (1985) : un discours très intéressant sur la notion de genre.
  • Le texte suivant, le plus long, est une synthèse [gros spoiler] d'Emmanuel Beaujot sur l'oeuvre d'Ambre qui ressemble plus à une aide de jeu pour le JDR (présenter le truc aux joueurs qui n'ont pas le temps de lire), qu'à une analyse, sauf à propos de la genèse de l'œuvre peut-être. Tout ça pour ça ?
  • Suit une série de critiques plus courtes des œuvres de l'auteur. 
Nous passerons sur les "bof" (Toi l'immortel de Thomas Day, Seigneur de Lumière d'Emmanuel Beaujot, la série sur Francis Sandow d'Arkady Knight, engrenages, le trone noir, le troqueur d'âmes d'Olivier Lengendre) et les correctes (Une rose pour l'ecclésiaste d'Olivier Legendre, route 666 de Laurent Leleu, repères sur la route de Mathieu Smolarz, l'enfant de nulle part d'Olivier Dorveaux, songe d'une nuit d'octobre de Bruno Para) pour nous pencher sur les critiques qui se dégagent du lot :

Le maître des rêves, critique de Xavier Mauméjan, qui effectue une lecture fascinante de l'histoire du point de vue de la psychologie.

Le concours du Millénaire, une satyre légère et drôle de nos contes et légendes européens selon Christophe Falgayras.

Royaume d'Ombre et de Lumière, œuvre expérimentale, et le Maître des Ombres pour lesquels Jean Louis Peyre ne se laisse pas abuser par l'absence apparente d'organisation des romans. Il invoque ainsi Marcel Thaon dans la préface du livre d'Or de la SF : "Zelazny comme Hemmingway procédait par omission (l'univers est plus grand que le livre)".

  • Construire un roman de science fiction (the writer 1984): les propos fascinants de l'auteur sur la création.

Au final ce volume intéressera le fan hard-core pour les entretiens (indispensables) de l'auteur. Quelques critiques, tel que celle de Xavier Mauméjean, seront vues comme un plus. Pour les autres, il n'est pas certain que ce dossier leur donne envie de lire l'auteur.



*****



(1) Un an seulement.
(2) Se pose alors la question de son choix : un clin d'œil du titre de la nouvelle à celui de la revue ? Une histoire de droits (facilité d'accès et prix des droits)?
(3) la présentation du dossier d'Olivier Girard commence par une promesse à tenir de réaliser ce dossier d'un auteur au chatoiement, à l'émotion brute non exempte de défauts... A titre de constatation, la dépréciation se poursuivra dans divers textes, tel que la présentation d'Ambre (p119) "à défaut d'être sa plus aboutie". Ou la conclusion de l'œuvre d'Ambre, ou bien "Toi l'immortel" par Thomas Day, "brouillon traversé de fulgurance (...) de l'oeuvre de Zelazny". ça donne envie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire