mardi 28 février 2012

Chronicle réalisé par Josh Trank (2012) [maj]

Pitch : Après avoir été en contact avec une mystérieuse substance, trois lycéens (Andrew, Steve et Mat) se découvrent des super-pouvoirs. La chronique de leur vie qu’ils tenaient sur les réseaux sociaux n’a désormais plus rien d’ordinaire…
D’abord tentés d’utiliser leurs nouveaux pouvoirs pour jouer des tours à leurs proches, ils vont vite prendre la mesure de ce qui leur est possible. Leurs fabuleuses aptitudes les entraînent chaque jour un peu plus au-delà de tout ce qu’ils auraient pu imaginer. Leur sentiment de puissance et d’immortalité va rapidement les pousser à s’interroger sur les limites qu’ils doivent s’imposer… ou pas !

Chronicle n'est sans doute pas un film original dans son thème : les conséquences de l'octroi d'un pouvoir sur l'âme humaine. Les anciens grecs s'étaient déjà posés la question, ainsi de la légende mentionnée par Platon (1) relative à Gygès et son anneau d'invisibilité, transmis par les Dieux pour tester une de leur controverse : le pouvoir corrompt-il ? Réponse affirmative si l'on s'en tient à cette légende et nuancée pour les américains mais nous y reviendrons ci-dessous.

Chronicle n'est pas non plus original dans la forme : le regard par une "caméra subjective" tout au long d'un film a déjà été utilisée dans un nombre conséquent d’œuvres depuis quelques temps.

Le film se place également dans un genre à la mode, celui des films de super héros, toutefois dans une lignée plus restreinte, celle des personnages inventés et non issus de franchises, à l'instar de Hancock ou de Heroes.

Là où l’œuvre fera preuve d'un peu plus d'inventivité, ce  sera dans le traitement accordé à l'histoire : la réponse apportée par les créateurs à la tentation de Gygès se trouve dans l'environnement social et familial où la transmission des valeurs importantes de la vie saura éclairer le récipiendaire du pouvoir. Celles-ci constitueront un garde fou à la tentation. En bref, un homme élevé en bon américain, saura puiser dans ses valeurs la volonté de résister à la corruption du pouvoir. En cas d'absence ou de dysfonctionnement dans la transmission de ces valeurs...

L'histoire serait banale sans la présence de cette fameuse caméra subjective : utilisée par Andrew sans qu'il puisse définir clairement ses motivations (2), il s'en sert comme un média auquel il s'adresse. De nature ambivalente : si elle prend le rôle de confident, elle constitue également une barrière qu'il pose au monde réel et à l'action directe, barrière à laquelle se font l'écho les personnages de Steve et Mat.

Trimballée par les trois personnages, elle acquiert progressivement le statut d'un "vrai personnage", réceptacle des sentiments d'Andrew, quitte à se "détacher de lui" (3). Il s'agit sans doute de l'élément le plus troublant. Assiste-t-on à une forme de critique des médias modernes que constituent les réseaux sociaux, ce que laisse suggérer le titre, "chronique" ? 

Mais revenons un instant sur l'esthétique du film : si les péripéties classiques des comics de super héros américain sont bien présentes, quelques scènes semblent inspirées par le manga (4).

Alors pour qui ?
Au final nous avons un film intéressant, bien réalisé, qui plaira autant aux amateurs de super héros qu'aux iconoclastes intéressés par la déconstruction du genre.
Il plaira aussi pour l'exposition qu'il fait de Seattle, ville assez peu présente dans la fiction américaine (5).

Un Chronicle 2 bientôt ?
Construit comme un tout entier, le film laisse quelques portes de sorties pour une suite éventuelle, comme semble l'avoir confirmé le réalisateur.

*****

1 Dans l'ouvrage la République, il s'en sert pour illustrer le débat sur la justice
http://stepfan.free.fr/ress/peda/debat.htm
http://www.jrrvf.com/forum/noncgi/Forum1/HTML/000692.html
2 mais le personnage de Casey qui utilise aussi une caméra pour son blog ne saura pas non plus clairement expliquer pourquoi elle apprécie de filmer différentes "tranches de sa vie."
3 Sans "spoiler", ceux qui auront vu le film trouveront la dernière scène très signifiante à ce sujet.
4 Elles n'étaient pas sans m'évoquer Akira, notamment la scène après l'hôpital...
5 Les anciens rôlistes qui connaissent shadowrun verseront sans doute une petite larme. 

Mise à jour/update : 29/02/2012 (rédaction et contenu).

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