mercredi 22 novembre 2017

L'assassin habite au 21 - réalisé par Henri-Georges Clouzot (1942)


Attention, chronique avec quelques spoilers.

Dans le cadre d'une "Intégrale Henri-Georges Clouzot" du 8 au 21 novembre, au superbe cinéma le Louxor à Paris, j'ai eu la chance de pouvoir voir L'assassin habite au 21, tourné pendant l'occupation à Paris (1942).

Avant la séance, mes seuls souvenirs de sa filmographie se résumaient au Corbeau, vu à l'époque du collège, et l'image d'un réalisateur sérieux. Autant dire une éternité. Ce qui m'a frappé au premier abord, c'est l'humour* présent dans certaines scènes et la dynamique entre les acteurs et leurs réparties. Il y a quelque chose qui m'évoque un peu le vaudeville dans le rythme. Ce n'est pas du "Audiard" mais il y a une certaine communauté d'esprit.
"- Ah, quel beau métier, impresario! Vous etes le jardinier cultivant les plantes, le tas de crottin réchauffant les pousses !
- Merci.
- Et je suis la plante qui s'élance vers le ciel J'ai besoin d'un tuteur."

Sur le moment et emporté par l'histoire, le film m'a aussi surpris par son absence de contextualisation apparente de l'occupation (pas de soldats allemands, pas d'écriteaux dans la langue de Goethe, ni de traces des exactions commises). 

Mais celle-ci est bien présente quoique de façon indirecte. Et pour tourner à cette époque, il fallait respecter un certain cahier des charges. Le film fut produit par la Continental, alors société française, créée par Joseph Goebbels, dans un but de propagande, et dirigée par Alfred Greven, qui aurait pris quelques libertés avec les ordres de Berlin. 

C'est dans ce contexte que Clouzot dépeint une société française frappée par une suspicion généralisée où chacun peut basculer dans une forme de barbarie. A ce titre la scène des poupées sans visage est assez forte.

De même la survie qu'impose cette époque, est marquée par une certaine vénalité, ainsi le comportement soudain câlin d'une femme qui apprend qu'un pilier du bar qu'elle fréquente, vient de gagner à la loterie.

Nous pourrions également mentionner une scène assez symbolique du manque  de courage dans la prise de risque et de responsabilité (d'union française ?) qui met en relief la successions d'échelons hiérarchiques, du ministre au préfet qui demandent des résultats pour la capture du tueur en série Mr Durant : le subordonné soumis se transformant en supérieur autoritaire raccourcissant les délais pour l'échelon qui le suit.

Un ami présent lors de cette séance aurait même vu  vers la fin, au moment de la capture des criminels levant les mains devant la police armée, un des protagoniste baisser l'une de ses mains, esquissant subrepticement un salut nazi forcé (et donc soumis au pouvoir en place).

Au-delà de tous ces signes discrets, de l'humour, de cet art  particulier du dialogue et de la répartie, "L'assassin habite au 21" comporte des qualités certaines, que ce soit dans les décors de ce Paris reconstitué, avec le soin apporté à la lumière ou la mise en valeur des seconds rôles, tel que le majordome de la pension, imitateur de music-hall, le "fakir", l'ancien médecin des colonies, etc.....

Le scénario commence d'ailleurs sur une sorte de whodunit avec un unique indice d'un informateur qui fait suspecter la présence du criminel dans la pension de famille du 21 de la rue Jugnot et pousse le commissaire Wens [Pierre Fresnay] à descendre incognito dans cette pension pour faire avancer son enquête. Clouzot se donne ainsi l'occasion de présenter une belle galerie de portraits. 

La distribution des acteurs est excellente, que ce soit les rôles principaux ou seconds rôles (Pierre Fresnay, Suzy Delair, Jean Tissier, Pierre Larquey, Noël Roquevert...)


L'histoire prend ensuite une direction différente avec une recherche plus classique du criminel, mais la fin comportera son lot de surprises.

En conclusion, L'assassin habite au 21 est une superbe découverte, qui incite encore à redécouvrir la filmographie d'Henri Georges Clouzot.




* A ce titre, le public dans la salle, réceptif, a beaucoup ri.  

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